Le dimanche 28 août, la «Gazette de Fribourg» a eu le privilège de rendre visite aux membres du Centre culturel des alévis de Fribourg, dans le quartier de Beauregard. L’occasion d’apprendre à mieux connaître cette communauté religieuse, aussi discrète que bienveillante, qui invite régulièrement des élus politiques du canton à partager un moment d’échanges et de convivialité. Ce matin-là, c’est le conseiller général PLR de la Ville de Fribourg, David Krienbühl, qui était l’hôte du président Kenan Mutlu et de toute son équipe. Avant lui, la conseillère d’Etat Sylvie Bonvin-Sansonnens (Les Vert.e.s) a eu droit par exemple au même accueil. Bernhard Altermatt, député (Le Centre), sera quant à lui le prochain invité.
Une religion connue pour son progressisme Fondé en 1995 à la route des Arsenaux, le Centre culturel des alévis de Fribourg a déménagé il y a une vingtaine d’années dans ses locaux actuels, à la rue de la Carrière 3. Comme il le mentionne sur son site internet, l’un de ses objectifs principaux est de «préserver la culture et les croyances des alévis et de les transmettre aux générations futures». Dans un recoin du centre, trois bougies sont allumées, symbolisant Dieu, Mahomet et Ali, autour desquels s’articule la foi alévie.
Sur un mur de l’arrière-salle qui accueille les déjeuners du dimanche comme les collations après les obsèques, une illustration représente les Douze Imams – «nos douze apôtres à nous», relève un membre du comité – qui tiennent une place prépondérante dans la tradition de cette communauté religieuse se distinguant par son progressisme avant-gardiste et son rejet du dogmatisme. Peu après l’entrée, 35 portraits rendent hommage aux alévis exécutés par des islamistes, en 1993, en Turquie centrale. Les anciens se souviennent quant à eux du génocide de Dersim, perpétré à la fin des années 1930 par le gouvernement turc et qui a fait des dizaines de milliers de victimes. Un nom tiré du calife Ali Les alévis, dont le nom vient du calife Ali, cousin du prophète Mahomet, ne se considèrent pas forcément comme des musulmans. «Nous sommes plutôt un mix de diverses religions car nous reconnaissons par exemple Jésus. De plus, nous n’avons pas besoin de mosquées pour nous réunir et nous ne célébrons pas le ramadan. Quelque part, nous sommes des adeptes de la laïcité», explique un membre de la communauté à un David Krienbühl très attentif et intéressé par le «côté libéral» de cette religion où chacun adopte sa propre façon de prier.
«Dans notre culture, ce sont les femmes qui apaisent les conflits et cela se fait calmement. Notre religion est basée sur la non-violence et le respect mutuel»
«Chez nous, les femmes tiennent un rôle primordial et c’est normal car, sans elles, aucun être humain ne viendrait au monde. Dans notre culture, ce sont les femmes qui apaisent les conflits et cela se fait calmement», explique Binali Araz, un des membres du comité. «Notre religion est basée sur la non-violence et le respect mutuel», ajoute un autre alévi de Fribourg, «convaincu que le lion et le gibier peuvent tout à fait vivre ensemble».
En Turquie, les kurdes alévis sont une minorité mais ils représentent tout de même «près d’un tiers de la population», selon les dernières statistiques. Dans le Grand Fribourg, ils sont près de 2000 – environ 5000 dans tout le canton – et ils proviennent pour la plupart d’Anatolie (connue aussi sous le nom d’Asie mineure), une région qui a donné à la ville de Fribourg son patron Saint Nicolas, évêque de Myre. Certains d’entre eux sont également originaires des Balkans.
C’est de cette communauté qu’est issu par exemple le footballeur fribourgeois Musa Araz, le fils de Binali, qui évolue actuellement au FC Sion après être passé par Bâle, Winterthour, Lausanne-Sport et Neuchâtel Xamax entre autres. «Murat et Hakan Yakin sont également alévis», précise fièrement l’un des 80 membres actifs du centre culturel de la rue de la Carrière. Dans les locaux, une série de coupes glanées dans divers tournois prouve d’ailleurs que le sport est l’un des éléments rassembleurs au sein de cette communauté.
Un rôle culturel et politique également
Outre les questions de foi et les besoins de la société alévi, le centre culturel fribourgeois est également actif dans les domaines social, culturel et politique en collaboration avec diverses ONG démocratiques et spécialisées, notamment, dans la migration. «Dans notre sous-sol, où l’on trouve un grand tableau noir, nous abritons ainsi une salle de classe où sont dispensés des cours de français, mais aussi de musique, de danse ou de théâtre», indique Sahin Karakoç, l’un des 11 membres du comité.
Si les alévis invitent régulièrement des élus fribourgeois dans leur local de Beauregard, c’est pour les sensibiliser à la révision partielle en cours de la Loi concernant les rapports entre les Eglises et l’Etat (LEE). «Nous participons pleinement à la table ronde qui réunit régulièrement les diverses religions présentes dans le canton», relève Ali Riza Ulucinar, qui prend part à ces séances avec la casquette de responsable politique de la communauté alévie, d’où son intérêt à mieux la faire connaître au sein des différents partis cantonaux. Une fédération basée en Allemagne «Nous aimons participer activement au débat dans les régions où nous nous sommes installés après avoir dû quitter notre pays d’origine où nous étions menacés. Aux Pays-Bas, le ministre de la Justice et de la Sécurité est par exemple l’un des nôtres», enchaîne l’un des piliers du centre culturel fribourgeois qui précise par ailleurs que les communautés alévies d’Europe sont regroupées au sein d’une fédération basée à Cologne, en Allemagne. En Suisse, de Lausanne à Bâle en passant par Soleure ou encore Zurich, on recense huit centres culturels alévis. Celui d’Aarau fêtera ses 20 ans le 1er octobre prochain par un grand concert qui attend entre 3000 et 4000 personnes.
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